écouter: Jacques Le Rider, La censure à l'œuvre. Freud, Kraus, Schnitzler
La marche de l'histoire par Jean Lebrun, 19.10.2015
Jacques Le Rider
La censure à l'œuvre
Freud, Kraus, Schnitzler
Hermann
Des morales et des oeuvres
2015
Présentation de l'éditeur
Une société libéralisée peut-elle renoncer à toute censure ? Même dans
les sociétés contemporaines, la liberté illimitée d’expression n’a
jamais été instaurée et les opinions déviantes qui mettent en cause la
norme du « politiquement correct » sont exposées à un retour en force de
la censure. Le cas viennois prouve cependant que, pour la défense des
valeurs d’une culture, la censure n’est pas une arme efficace : bien que
la liberté de la presse soit un acquis des gouvernements libéraux des
années 1860, la censure y était toujours à l’œuvre ; Freud lui donnait
même le beau rôle d’instance régulatrice du processus de civilisation.
Karl Kraus, le plus féroce des critiques du journalisme, démontait les
nouveaux mécanismes de censure informelle et invisible par lesquels la
presse informait ses lecteurs, c’est-à-dire soumettait leur perception
de la réalité à un formatage quotidien. Ainsi, la modernité viennoise
anticipait les théories de la censure structurale de Foucault et
Bourdieu. Cela n'empêcha pas la censure impériale de rompre, en 1912,
avec sa propre ligne "anti-antisémite" en interdisant la représentation
du chef d'œuvre d'Arthur Schnitzler, Le Professeur Bernhardi,
courageuse dénonciation de l'antisémitisme. Autant dire que la censure
s'avère en définitive toujours inefficace et dangereuse, et qu'elle ne
pourra jamais servir comme support d'une politique de civilisation.
Ancien élève de l'École normale supérieure (ENS Paris), Jacques Le Rider
est directeur d'études à l'École pratique des hautes études à la chaire
« L'Europe et le monde germanique (époque moderne et contemporaine)
».
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